Nicaragua : Six ans après les manifestations sociales, la CIDH exhorte au rétablissement de la démocratie, et à la fin de la répression et de l'impunité.

18 avril 2024

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Washington D.C.- Six ans après le début des protestations sociales au Nicaragua, la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) exhorte à la restauration de la démocratie, à la fin de la répression dans le pays et à lutter contre l'impunité pour les graves violations des droits humains commises depuis le 18 avril 2018.

Les protestations sociales de 2018 – initiées par des personnes âgées et soutenues par des jeunes et des étudiants universitaires en réponse aux réformes proposées de la Loi sur la sécurité sociale – ont reflété spontanément le mécontentement social accumulé au fil des années face à des processus institutionnels qui ont progressivement entravé l'expression citoyenne, coopté les institutions publiques et concentré les pouvoirs publics au sein de l'exécutif.

La réponse répressive et violente de l'État a entraîné la mort d'au moins 355 personnes, plus de 2 000 personnes blessées et plus de 2 000 personnes détenues arbitrairement. Selon les conclusions du Groupe interdisciplinaire d'experts indépendants (GIEI - Nicaragua) et d'autres mécanismes des Nations Unies, dans le cadre de la répression étatique, le Nicaragua a commis des actes susceptibles de constituer des crimes contre l'humanité, tels que le meurtre, la privation de liberté, la persécution, le viol, la torture et la disparition forcée.

Depuis lors, la répression étatique contre les voix dissidentes a persisté à différents stades et niveaux d'intensité, déclenchant une crise politique, sociale et des droits humains qui continue de s'aggraver.

À partir de 2018, la CIDH a documenté la persistance des détentions arbitraires, la menace permanente de criminalisation et un climat de persécution et de surveillance à l'encontre de la population civile qui a forcé des milliers de personnes à se déplacer vers d'autres pays. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plus de 440 000 personnes nicaraguayennes ont demandé l'asile dans le monde entre 2018 et 2023. À cela s'ajoutent l'expulsion d'étudiants des universités et l'élimination de leurs dossiers académiques ; la détention arbitraire et l'expulsion du pays de prêtres et de religieuses sans garantir un procès régulier ; une politique arbitraire visant à empêcher la libre entrée ou sortie de la population du pays ; les menaces et le harcèlement au-delà des frontières de l'État, y compris la privation arbitraire de la nationalité nicaraguayenne et le bannissement, ainsi que la dépossession des biens et des pensions.

Dans le rapport « Concentration du pouvoir et affaiblissement de l'État de droit au Nicaragua », la CIDH a observé que l'affaiblissement progressif des institutions démocratiques s'est consolidé avec la réélection de Daniel Ortega en 2021 pour un quatrième mandat consécutif, dans un climat d'impunité structurelle, de fraude électorale et de répression, dans le but de se perpétuer au pouvoir. Par exemple, à travers la détention arbitraire de toutes les personnes ayant manifesté leur intérêt à participer en tant que candidates et la suppression des partis politiques d'opposition.

Le contexte actuel de fermeture de l'espace civique et démocratique au Nicaragua est l'un des plus graves de la région. Le principe de séparation des pouvoirs a été rompu. Tous les pouvoirs sont alignés sur l'exécutif et dirigés par lui, et ne constituent donc pas des limites à l'exercice du pouvoir, pas plus qu'ils n'empêchent l'arbitraire ; au contraire, ils le facilitent ou le consolident. La concentration du pouvoir a facilité la transformation du Nicaragua en un État policier, où l'exécutif a instauré un régime de terreur, par le contrôle et la surveillance des citoyens et la répression au moyen d'institutions de sécurité étatiques et paraétatiques.

Dans son dernier rapport, la Commission a documenté la radicalisation de la répression de l'État visant à supprimer complètement les droits et libertés fondamentaux qui constituent l'espace civique, par l'interdiction continue des protestations et des manifestations, le démantèlement des médias, la fermeture massive des organisations de la société civile, des universités et des centres d'études, et la persécution et la criminalisation des membres de l'Église catholique. Plus de 3 300 organisations de la société civile ont été fermées de force depuis 2018.

La CIDH ne cesse de dénoncer l'intensification de la répression contre les personnes autochtones et d'ascendance africaine qui critiquent le gouvernement, ainsi que la tenue d'élections régionales dans la côte Caraïbe dans un contexte grave d'attaques armées contre ces communautés, de dépossession de leurs territoires et de leurs ressources naturelles, d'harcèlement policier, de militarisation, de détentions de leaders autochtones, d'absence avérée de système électoral indépendant et d'autres faits qui mettent en péril leur survie ethnique et culturelle.

La CIDH rappelle qu'en vertu des obligations établies dans la Convention américaine relative aux droits de l'homme (CADH) et d'autres instruments internationaux, l'État du Nicaragua demeure engagé à enquêter sur toutes les violations des droits humains et à les sanctionner.

La CIDH appelle les États de la région et la communauté internationale à promouvoir le retour à la démocratie et à l'État de droit au Nicaragua, ainsi qu'à s'efforcer d'empêcher l'impunité des crimes internationaux conformément au droit international. La fin de l'impunité et le retour du système de démocratie représentative constituent la meilleure garantie du respect des droits humains et une base solide pour la solidarité entre les pays du continent.

Malgré la dénonciation de la Charte de l'Organisation des États Américains, la CIDH réitère sa pleine compétence sur l'État du Nicaragua, raison pour laquelle elle continuera à exercer ses mandats de surveillance par le biais du Mécanisme spécial de suivi pour le Nicaragua (MESENI), ce qui inclut le suivi du respect des recommandations émises dans ses différents mécanismes, l'analyse et le traitement des cas et des pétitions, la supervision de ses recommandations émises dans les rapports sur le fond, ainsi que l'analyse et le contrôle actif de la mise en œuvre des mesures conservatoires en vigueur.

Enfin, la Commission exprime et confirme sa solidarité avec les victimes des violations des droits humains et avec la population nicaraguayenne.

La CIDH est un organe principal et autonome de l'Organisation des États Américains (OEA) dont le mandat émane de la Charte de l'OEA et de la Convention américaine relative aux droits de l'homme. La Commission interaméricaine a pour mandat de promouvoir le respect et la défense des droits de l'homme et de servir, dans ce domaine, d'organe consultatif de l'OEA. La CIDH est composée de sept membres indépendants, élus à titre personnel par l'Assemblée générale de l'OEA et qui ne représentent pas leurs pays d'origine ou de résidence.

No. 075/24

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